https://www.high-endrolex.com/32 Lire en Pays Autunois
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Un soir, un livre 2024

 

Cercle de lecture convivial ouvert à tous, qui fonctionne sous la houlette de Jeanne Bem

On se rencontre une fois par mois environ et on discute du livre choisi lors de la précédente rencontre.
On peut venir aussi juste pour attraper le désir de lire.

Les comptes-rendus sont rédigés par Jeanne Bem
 

Prochaine rencontre

le vendredi 24 mai à 18 h, chez Marie-Paule Blein.

Poussière blonde de Tatiana de Rosnay (Albin Michel - 2024).

image : /upload/Annee 2024/UnSoir24_DeRosnay_Poussière_Couv.jpg

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Vendredi 12 avril 2024 

Les papillons du bagne, de Jean Rolin, POL, 2024 

image : /upload/Annee 2024/UnSoir24_Rolin_Papillons_Couv.jpg

Nous avons eu une très bonne discussion hier chez Elisabeth - nous étions sept, mais six personnes de plus seraient venues si elles avaient pu.
Ce livre, "Les papillons du bagne", était un peu une énigme, et nous ne connaissions pas beaucoup Jean Rolin, qui est pourtant célèbre. Il est né en 1949 et il a été grand reporter, il a sillonné la planète.

Il y a plusieurs façons de lire "Les papillons", d'où des réactions contrastées qui vont de l'agacement et du refus à l'adhésion franche, en passant par un intérêt mitigé. L'auteur voyage dans des lieux précis que la lectrice, le lecteur, est content de reconnaître et de confronter à ses propres impressions ou souvenirs. Jean Rolin voyage surtout beaucoup dans les livres - en l'occurrence il ranime par exemple pendant un moment le souvenir de la romancière Katherine Mansfield, mais il l'abandonne pour se concentrer sur les ouvrages des spécialistes des papillons. La liste d'ouvrages qu'il donne à la fin montre son érudition; elle montre aussi que, s'il est bien vrai qu'il a effectivement visité la Guyane, son livre est quand même en grande partie un collage d'emprunts à ces ouvrages savants.

L'agacement peut venir de ce qu'on ressent une certaine désinvolture chez l'auteur: après un premier chapitre sur les papillons "morpho", on les perd de vue pour une randonnée littéraire sur la Côte d'Azur, elle-même abandonnée brusquement au bout de 60 pages. Nous avons remarqué le manque de structure, de but. Les longues phrases à tiroirs peuvent rebuter aussi. Mais le dernier mot du dernier paragraphe du livre est "littérature". Et donc toutes les réserves émises peuvent être retournées en positif: Jean Rolin ne s'occupe que de littérature, il crée un "objet littéraire", un monde fait de phrases (qui sont caractéristiques de son style) et de centres d'intérêt qui peuvent paraître complètement secondaires ou futiles. En ancien reporter il "photographie" bien pour nous des rues et des paysages (champ, bord de mer, rivière, pont...), mais en fait il "zoome" avant tout sur des noms qui disent les aléas de l'Histoire et de la France républicaine (la Rue des Peuples-Autochtones!) et sur d'autres noms, savants ou courants, désignant toute sorte de plantes et d'oiseaux. Les humains, sauf exception, apparaissent peu.

Il est possible de prêter (hypothétiquement) à Jean Rolin une sorte de philosophie: vu les expériences qu'il a traversées (une des plus impressionnantes: les guerres de l'ex-Yougoslavie), il s'est fixé un parti pris d'ironie vis-à-vis du monde tel qu'il va: pas d'engagement politique, pas de prise de position humanitaire surtout! Certes, nous ne récusons ni les horreurs passées (le bagne, les différentes catégories de bagnards, le déracinement des Hmong...), ni les horreurs présentes (inutile de détailler), mais nous fixons notre regard de préférence sur les ibis rouges, et bien sûr sur les morphos.

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Mardi 5 mars 2024

image : /upload/Annee 2024/UnSoir24_Debre_Nom_Couv.jpg

Nous étions dix, hier, chez Danièle Grilli - réunion très sympa, et la hasard a voulu que cette rencontre soit exclusivement féminine.

Cela convenait au sujet: l'idée était de confronter "Nom" de Constance Debré à "Proust, roman familial" de Laure Murat, étudié le mois précédent.

Et c'est vrai qu'il y a des parallélismes frappants - à chaque fois, la relation de l'auteure à ses deux côtés, le "côté de la mère" et le "côté du père"; une critique des familles (aristocratie et grande bourgeoisie); l'histoire d'une émancipation, l'affirmation d'une identité propre conquise de haute lutte, un nom et une origine sociale dont il faut se distancier; et même la référence à Proust. Evidemment chez Murat Proust est un thème massif, chez Debré c'est plus léger, avec de l'humour, comme quand elle dit qu'après l'incendie du château au Pays Basque (mère) on a commencé à passer les vacances dans la maison de campagne de Touraine (père): "Ce ne sont plus les Guermantes, c'est les Verdurin". Ou encore quand elle oppose Proust à Barthes, un auteur "typique de la bourgeoisie intelligente mais nulle, impuissante, mélancolique, prétentieuse, moribonde, mortifère". Murat est prof de lettres -- Debré ne fait grâce qu'à peu d'écrivains, elle recopie quand même un poème de Rimbaud.

Encore une ressemblance: le rapport aux parents est très ambigu, et on lit entre les lignes des traces d'éloges et de chagrin. Beaucoup de différences aussi: le récit est mené dans le désordre, mais chez Constance Debré le discours est plus haché, impulsif, saccadé. Laure Murat, c'est quand même la prof de fac - son texte est plus académique.

Nous avons toutes réagi fortement à ce livre, "Nom" (qui cache un "non!"). L'histoire détaillée de l'obsédante et oppressive famille Debré a été une découverte. Bref, la discussion sur Constance Debré a été sans fin - deux ou trois voix discordantes, pointant en particulier des contradictions: elle jette tous les livres, mais elle en écrit; elle rejette son nom, mais est-ce qu'elle serait publiée si facilement si elle avait pris un pseudo? Bien sûr, Constance Debré est un cas, elle est extrême, sa radicalité peut hérisser. On a du mal à accepter la "mauvaise mère". (Elément négatif racheté, puisque son fils a recommencé à la voir.) En tout cas plusieurs lectrices ont été enthousiastes. Faire table rase de tout, c'est un rêve qu'il nous arrive de caresser, et Debré le fait pour nous par procuration. Le temps de la lecture, on est là, waouh, comme c'est bien dit, comme c'est bien écrit, cette phrase-là, cette idée-là, mais je l'ai eue un jour moi aussi! En tant qu'autrice, Debré a des fulgurances, certains paragraphes, certains chapitres sont des bijoux. Tout le monde a voulu lire des passages à voix haute. La discussion était si passionnée qu'on ne s'entendait plus !

Une idée pour finir: Constance Debré choque, on lui tombe dessus - mais on accepte très bien Jean Genet par exemple, qui lui aussi était homosexuel, refusait de rien posséder, vivait dans des hôtels avec deux valises, et n'acceptait aucune assignation. Il est vrai que Debré a un nom à tuer -- Genet était sans nom.

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Mercredi 24 janvier 2024

image : /upload/Annee 2023/Un soir un livre 2023/UnSoir23_Murat_Proust_Couv.jpg

J'étais très contente hier de recevoir le groupe chez moi, ça me redonne confiance et ma convalescence progresse.

Réunion très sympa, nous étions onze.

Grande discussion un peu décousue sur ce livre de Laura Murat, "Proust, roman familial". La forme que prend ce livre est elle aussi assez décousue, bousculée, avec une répartition inégale de la matière narrative - entre autres, on a du mal à s'y retrouver dans les deux côtés de la noblesse d'Empire et d'Ancien Régime.

Chez Freud, l'enfant s'imagine un "roman familial" avec des parents imaginaires, et cela lui permet de se construire (ou de choisir le fantasme à la place du réel, ce qui est plus embêtant). Laure Murat, elle, en lisant à vingt ans "A la Recherche du temps perdu", a eu la surprise de découvrir la réalité même du milieu post-aristocratique dans lequel elle avait été élevée, et elle a pu ainsi le mettre à distance et s'en émanciper. Donc la fiction l'a paradoxalement dirigée vers le réel de son enfance. Mais c'est à cause de la configuration particulière de sa famille: car certains de ses ascendants figurent dans la "Recherche", certains de leurs titres de noblesse s'y retrouvent, et il y a des gens de sa famille qui ont personnellement connu Proust!

En même temps, grâce au roman de Proust, qui donne une vision très critique du milieu aristocratique, elle a mieux compris que cette réalité recouvrait en fait une vacuité, un vide, de simples signes qui ne renvoyaient qu'à un entre-soi.

C'est pourquoi on est pris, en lisant ce livre (roman? documentaire/témoignage? essai à la manière de Montaigne?), d'une sorte de vertige ou de malaise même, on ne sait plus trop bien où on est. D'autant que, si les aristocrates de Proust étaient déjà une espèce sociale en voie de disparition, les post-aristocrates des années 1960-1970 nous apparaissent comme d'incroyables survivants, évoluant dans un monde parallèle. Ce que l'autrice illustre avec humour à propos du titre "Princesse" qui n'est plus compris que comme un prénom !

Certains du groupe sont "entrés" dans le projet de l'autrice (auto-analyse ou auto-thérapie à travers Proust), d'autres pas. Il y a des passages où elle "fait cours" sur Proust - elle est prof: on a aimé, ou pas. On a trouvé (ou pas) que son livre donne envie de (re)lire Proust. On s'est demandé ce qui peut pousser de jeunes Californiens sur un campus du 21e siècle à s'intéresser à Proust - surtout s'il est traduit en anglais! (on n'ose même pas imaginer!) On a remarqué que Laure Murat attribue spécifiquement à son milieu d'enfance des caractéristiques d'entre-soi (codes de politesse, surnoms) qui en fait existent aussi en France dans d'autres milieux. On a trouvé que le père de Laure Murat avait une personnalité moins vide, plus consistante que ne le laisserait supposer son milieu: un producteur de films, un lettré qui a enrichi le milieu intellectuel et culturel parisien de son époque.

L'idée est venue de comparer Laure Murat à Constance Debré, qui elle aussi a donné un grand coup de balai qui l'a libérée de sa famille. Le prochain livre:

Constance Debré, "Nom" (2022). Comme c'est court, vous pouvez compléter avec les deux autres: "Play Boy" et "Love Me Tender".

 

 

 

 

 

 

 

 


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