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Un soir, un livre 2025

 

Cercle de lecture convivial ouvert à tous, qui fonctionne sous la houlette de Jeanne Bem

On se rencontre une fois par mois environ et on discute du livre choisi lors de la précédente rencontre.
On peut venir aussi juste pour attraper le désir de lire.

Les comptes-rendus sont rédigés par Jeanne Bem

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Prochaine rencontre
Autour de Le muezzin aux yeux bleus de Fadéla M'Rabet, Riveneuve 2008 

Chez Marie Paule, La grande chaux, 8 septembre, 17H.
 

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Jeudi 17 juillet 2025

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"Un soir" a commencé à 16 h dans la piscine de Chantal! Il est toujours dommage de rater une après-midi à Etang sur Arroux, mais bien sûr toutes les excusées avaient d'excellentes raisons. Nous étions quand même cinq, et Marie-Paule avait lu, et bien apprécié, le roman de Serge Doubrovsky, "Fils", ce qui a permis une discussion !

Ce livre a fait date en 1977 à cause de l'originalité de son écriture: l'auteur adopte vis-à-vis du langage une attention flottante. Ce procédé créatif et même excitant a pour effet que Serge Doubrovsky ne se sent pas complètement responsable de ce que les mots de la langue, et les associations "automatiques" entre les mots, lui apprennent sur lui-même, sur sa mère, sur les autres, sur le monde, sur la crise des quarante ans, sur l'identité, sur le mal-être existentiel.  Il y a un chapitre qui raconte une séance chez le psychanalyste, mais c'est tout le roman qui a la texture d'un courant de conscience à moitié contrôlé seulement, dans la mesure où le récit factuel et chronologique est continuellement interrompu par des excursions involontaires dans les différentes strates de sa vie passée. 

Doubrovsky a écrit "Fils" pendant six ans dans une espèce d'ivresse intermittente, ivresse que les lecteurs de leur côté éprouvent, ou pas... Il est intéressant que "Fils" n'ait pas eu d'imitateurs. Ce qui en est resté, c'est cette catégorie que Doubrovsky a inventée: "l'autofiction".

En tout cas, si on est "pris" par ce texte et qu'on accepte de se laisser "porter", on découvre à chaque page des jeux de mots très drôles, et toute une philosophie légère car atténuée par l'ironie (ou l'humour juif?). Et puis, on plonge directement dans le réel des années 1970: on accompagne l'auteur dans une de ses journées typiques, avec le difficile démarrage du matin, les lectures préparatoires pour le cours qu'il va donner le soir, la promenade à pied dans sa banlieue résidentielle de Queens, l'homérique trajet sur l'autoroute pour rejoindre Manhattan (on est vraiment dans sa voiture, au volant!), la séance chez le psy, puis le prof dans son bureau à New York University face aux corvées du métier, et enfin sa master class sur "le récit de Théramène", une tirade célèbre de la "Phèdre" de Racine. 

"Dans Racine m'enracine", écrit l'auteur quelque part: les dernières pages sur le "monstre" qui sort de la mer et affole les chevaux du char d'Hippolyte, doivent apporter une sorte de résolution (impossible et toujours suspendue) à ses problèmes. Pacifier peut-être son rapport avec Renée, sa mère hyper possessive dont il n'arrive pas à faire le deuil. Le rapport à la mère, c'est bien sûr aussi le rapport à la langue. A la langue française qui est confrontée à l'anglais, que ce prof français expatrié adopte pour son quotidien new-yorkais. Renée, qui est le deuxième personnage principal du roman, tant elle est présente dans les réminiscences, témoigne de la capacité d'assimilation de tous ceux qui sont venus de Russie, d'Ukraine ou de Pologne se réfugier dans la France du 20e siècle. On entend la voix de Renée dans quantité de petites citations imprimées en italiques - ce sont des phrases toutes faites, des dictons populaires, toute une "francité" qui vise à atténuer le grand traumatisme qui a marqué l'auteur: en 1943, à l'âge de quinze ans, il a dû vivre caché dans une maison d'amis pendant dix mois, jusqu'à la libération de Paris. Et c'est un gendarme français qui a sauvé la famille, en les avertissant de la rafle qui se préparait.

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26 mai 2025

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Hier soir nous étions sur la terrasse chez Elisabeth - et vu que quelques personnes étaient en voyage ou découragées par Henry James, nous étions six seulement. La discussion a été animée, amicale et amusante, on a beaucoup ri.

Je n'avais pas lu la nouvelle "Le motif dans le tapis" (1896) mais elle est célèbre, du moins chez ceux qui s'occupent de l'histoire de la littérature. Je connaissais "Les papiers d'Aspern" (1888) qui se passe à Venise et qui présente déjà une histoire analogue: un homme est habité par une quête obsessionnelle, et au bout de la quête l'objet se volatilise. Jamais on ne pourra lire les papiers laissés par le poète Jeffrey Aspern, ils ont été brûlés. 

"Le motif dans le tapis" pousse le concept à l'extrême, c'est-à-dire que le récit est ennuyeux, répétitif, décevant, et sans charme aucun. Le lecteur espère tout du long (c'est la carotte agitée devant lui) apprendre le "secret" existentiel dissimulé dans les plis de l'oeuvre de ce romancier fuyant, Vereker, qui a su allécher le jeune narrateur et critique, au cours d'un tête-à-tête intimiste. Ensuite, les critiques, les exégètes, plusieurs hommes et une femme, s'usent à la tâche, en vain. Aux dernières pages arrive la révélation définitive, à savoir que le secret, c'est tout simplement: "rien". "Je sais maintenant ce qu'il faut penser: ce n'est rien du tout!" (p. 79)

Le romancier Henry James (1843-1916) était un Américain qui résidait en Grande-Bretagne et qui finit même par se faire naturaliser. Il est de trente ans plus âgé que Marcel Proust (1871-1922), et il devance Virginia Woolf (1882-1941) de 40 ans. Donc il est vraiment pionnier! Il a contribué (peut-être même en partie à son insu) à inventer le "nouveau" roman du premier 20e siècle. C'est le roman de la modernité, un roman qui se dégage complètement de la tradition, un roman dans lequel les événements racontés, les péripéties, passent au second plan. Le romancier se concentre sur son écriture: l'organisation du récit, une psychologie flottante rendue par le "courant de conscience", des fragments de vérité presque impalpables saisis entre les lignes, la difficulté à communiquer, avec des bouffées de plénitude et des passages à vide.

Le monde des gens riches, oisifs et privilégiés dans lequel vivait James ressemble beaucoup au monde de "La Recherche". Dans "Le motif dans le tapis", ce monde est à peine esquissé, mais on peut quand même observer cette élite cosmopolite qui passe la moitié de sa vie sur "le Continent"  (le mot des Anglais pour désigner la France, l'Allemagne, l'Italie...) et l'autre moitié dans un Londres mondain ou dans des demeures à la campagne. La vanité de leur monde est en correspondance avec la perte de sens que désigne le secret du "rien". Dans les années 1950-60-70, un autre mouvement littéraire, constitué autour des Editions de Minuit et appelé le "Nouveau Roman", s'est senti des affinités avec les textes prémonitoires de Henry James. Jean Ricardou est connu pour cette formule qui résume tout: le roman moderne est passé "de l'écriture d'une aventure à l'aventure d'une écriture".

Justement, le prochain livre combine de manière stimulante l'aventure d'une vie avec l'aventure d'une écriture qui ne ressemble à rien de ce qu'on a écrit avant: Serge Doubrovsky, "Fils" (1977), Folio.

On se donne du temps, car le livre est épais: rendez-vous le jeudi 17 juillet à 17h chez Chantal Chavot, au bord de sa piscine.

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Mardi 29 avril 2025

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Nous étions neuf hier chez Danièle (merci pour son accueil!), pour discuter du dernier roman de Léonor de Récondo, "Le grand feu".

Alors, Venise, la musique, l'amour, la mort... Tous les ingrédients pour un roman - et la promesse est tenue. La grande qualité de la romancière, c'est sa maîtrise de la langue et du style, elle écrit à la perfection. Toujours les mots et le rythme qu'il faut. Et pour une fois, un récit dans l'ordre chronologique, pas bousculé! Cela se passe au début du 18e siècle, mais c'est écrit au présent.
Le livre est documenté, tout ce qui est représenté est crédible: cette bizarre maison, la Pietà, qui tient de l'orphelinat et de l'école de musique, a existé; le tour où sont déposés anonymement les nouveau-nés est encore visible, c'est "la roue de l'abandon"; la 7e et dernière guerre de la République de Venise avec l'Empire Ottoman a bien eu lieu de 1714 à 1718 (Venise a été vaincue). 

Après, bien sûr, tous les personnages sont inventés sur ce fond historique. Il faut accepter (c'est le pacte de fiction) que cette petite fille, Ilaria, ait été confiée à la Pietà alors qu'elle a une famille avec laquelle elle garde un lien fort. Il faut croire que, jeune violoniste appréciée par son maître, Antonio Vivaldi, elle soit chargée par lui de compléter certains de ses partitions. La jeune fille occupe à la Pietà une place privilégiée, et sa meilleure amie n'est pas une orpheline. Prudenza vient de l'extérieur pour des leçons et appartient à une grande famille prestigieuse. Et donc tout naturellement, le frère de Prudenza tombe amoureux fou d'Ilaria.

Le livre n'est pas très long et on se laisse porter agréablement, malgré la fin tragique empruntée au répertoire romantique. L'écriture de Léonor de Récondo a quelque chose d'apaisant qui ne peut que plaire, par ces temps anxiogènes. Dans la discussion, on a quand même trouvé qu'il y avait une certaine monotonie, que cela manquait d'aspérités, que certains thèmes étaient traités par l'ellipse, l'évitement, l'euphémisme, et qu'arrivée à la moitié ou aux deux tiers, la lectrice avait tendance à accélérer un peu la lecture.

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Mardi 25 mars 2025

Nous avons passé une heure très conviviale et animée chez Jacqueline, à discuter du roman de Susan Taubes, "Vies et morts de Sophie Blind".

Tout le monde était d'accord pour dire que c'est un roman d'un abord difficile - plusieurs qui auraient peut-être participé, ont dû être découragés. Parmi les présents (je veux dire: les présentes!) plusieurs n'ont pas pu lire le livre jusqu'au bout, et l'ont fini en diagonale.
Ce n'est pas l'histoire racontée qui décourage, c'est la forme narrative. 

L'héroïne est une Européenne issue d'une famille juive hongroise de rabbins et d'intellectuels, elle a immigré enfant aux Etats-Unis avec son père en 1939. On comprend que le roman est en grande partie la transposition, en écriture et en fiction, de la propre histoire de vie de l'autrice. Publié sans succès à New York en 1969, le roman ainsi que son autrice ont été redécouverts récemment (la romancière s'était suicidée peu après la publication du livre). On comprend donc aussi qu'il n'est pas étonnant que l'héroïne soit une femme très névrosée, à l'image sans doute de la romancière. Mais on pourrait dire que cette névrose se traduit également dans la conduite plutôt chaotique du récit. C'est un texte "dérangé" et dérangeant.
La forme narrative: dans la discussion, on a remarqué l'espèce de ressassement, de "sur place", qui est à la base du texte. L'héroïne nommée Sophie Blind jouit d'une grande liberté dans sa vie privée, elle habite où elle veut, elle voyage comme elle veut, elle a des amants, ses enfants n'ont pas l'air de souffrir, son mari Ezra est arrangeant, mais son obsession c'est son émancipation totale: elle veut que son divorce soit prononcé. La quête interminable du divorce est le fil directeur. Cette quête est de toute façon inachevée, puisque Sophie meurt brutalement dans un accident de rue, et sa mort est annoncée dès le début: "Je suis morte un mardi après-midi, percutée par une voiture alors que je traversais l'avenue George-V." (page 22)
A partir de là, une certaine logique (qui place le roman au bord de la "fantasy") veut que certaines pages soient racontées par la morte, depuis le royaume de la mort où elle a pris ses marques. Ces pages sont pleines d'onirisme débridé.

Cela pousse à la lecture en diagonale, parce qu'on peut choisir de les sauter pour passer à des pages plus "normales"

Le livre est écrit au "je" et au "elle". Il est comme une mosaïque ou un puzzle dont le lecteur doit assembler les morceaux pour s'y retrouver. Du coup, qu'on l'ait aimé ou non, tout le monde a trouvé le livre "intéressant". Chacun y a trouvé des phrases, des passages frappants.
Les lieux évoqués sont surtout européens. Le moment à partir duquel c'est raconté est Paris, vers la fin des années 1960 (un lieu assez désincarné). En fait le lieu principal est le lieu de l'ancrage familial et des souvenirs: la Hongrie. Au fil de certains passages rétrospectifs, assez nombreux, on apprend énormément sur cent ans d'histoire compliquée et contrastée de ce pays. On apprend aussi beaucoup sur l'histoire et le ressenti des juifs de Hongrie. Qu'est-ce que cela signifie d'être juif? C'est la question philosophique que Susan Taubes pose directement, en écho par avance à Georges Perec (dans "Récits d'Ellis Island", en 1980).

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Mardi 18 février 2025

Hier après-midi nous étions sept chez Jacqueline et nous avons discuté du roman humoristique de Philibert Humm, "Roman de gare".

Cela a été très animé. Le livre a suscité la controverse: nous avons été deux à le défendre très fort, plusieurs participantes se sont montrées amusées mais sans plus, et un avis a été assez fortement négatif. Le négatif: c'est une fausse aventure, les deux amis ne risquent rien (encore que... ils risquent plusieurs fois l'accident), et les "hobos" qui sautaient dans les trains de marchandise en Amérique entre les deux guerres pour aller chercher du travail à mille km plus loin, ne faisaient pas ça pour leur plaisir. Tout cela est vrai. Ce qu'il faut, c'est prendre en compte le "deuxième degré". Tout est parodique et léger dans "Roman de gare" - et par les temps qui courent, passer quelques heures à sourire à de bonnes (et inoffensives) blagues toutes les deux lignes, c'est quand même appréciable.

On s'est mis d'accord sur le rôle de l'auteur-narrateur: il est un peu comme un comique, un "seul en scène", sauf qu'au lieu de débiter ses blagues à un public, il les écrit pour nous. Il y a une part d'oralité, de négligé, dans son style, qui coexiste avec son adresse à utiliser le subjonctif passé. Le livre est bourré de clins d'oeil de connivence culturelle. Philibert et son copain "Buck" (le nom d'un chien de Jack London) forment un tandem qui se souvient de Laurel et Hardy. Une référence non signalée par l'auteur est bien sûr "Trois hommes dans un bateau" (1889) de l'humoriste anglais Jerome K. Jerome. Au lieu de descendre la Tamise en canot, nos deux faux aventuriers se laissent aller au gré des trains dont ils ignorent la destination. Au lieu de traverser les plaines et les montagnes de l'Ouest américain, ils ont pour horizon des cabanes de jardin et des cafés perdus où ils rencontrent des consommateurs paumés. Les rencontres font le sel de la vie, elles sont toutes précieuses, et parfois l'auteur abandonne la dérision pour évoquer un destin (celui de Paco par exemple) qui nous ramène au tragique du quotidien. Le livre est parsemé de petites phrases à la fois anodines et philosophiques, qui font qu'il est peut-être plus profond qu'on ne pense.

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Mardi 18 janvier 2025

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Nous étions sept filles hier chez Elisabeth - merci à elle pour son accueil !

Le roman de Sandrine Collette, "Madelaine avant l'aube", a été couvert de prix - l'autrice accède à la grande notoriété. En plus Mme Collette est une romancière d'ici, elle fait connaître ce Morvan dont nous subissons tous le charme. Elle a un style intéressant, et son travail fait penser à celui de Marie Hélène Lafon. Chez Sandrine Collette, la narration est une sorte de courant de conscience. L'autrice part de la langue orale mais elle se construit une écriture bien à elle, avec un rythme un peu heurté et souvent de belles expressions imagées. Nous avons remarqué un procédé tout à fait étonnant concernant l'identité du narrateur - je n'en dis pas plus!

La sensibilité de la romancière va à la nature, aux saisons, aux animaux. Ses personnages, les paysans, semblent des morceaux taillés dans le rocher, dans les labours, dans la forêt. Les paysans sont des taiseux. Ils expriment leurs émotions par leur corps, leurs gestes, leurs silences. La plus sauvage de tous les personnages est l'héroïne, d'abord petite fille puis adolescente - une figure attachante et inquiétante marquée par la fatalité. Tout un monde rural à l'ancienne est reconstitué, avec ses traditions et son âpre quotidien.

Sandrine Collette se situe dans la grande tradition des romans historiques situés dans un pays perdu. Un pays fermé, délimité par un fleuve et des forêts, et que la loi a déserté. On est clairement à l'époque féodale, et une famille d'aristocrates prédateurs règne sur la communauté villageoise. Le "Mal" plane sur leur vie. On peut penser à Giono et au "Roi sans divertissement", ou à Faulkner. Ou encore, plus près de nous, à "Lambeaux" de Charles Juliet. Du côté de la non-fiction, il y aurait bien sûr "De sang-froid" de Truman Capote.

Dans le groupe, tout le monde a été intéressé par le livre. Cependant, l'histoire que raconte "Madelaine avant l'aube" est perturbante, très sombre même, c'est une histoire qui avance - telle une tragédie - vers de terribles malheurs annoncés dès le prologue, et les lecteurs doivent se confronter à des événements climatiques extrêmes, à des famines, à des situations où les villageois sont sans défense contre les abus, à un viol, à un massacre. On peut être rebuté par l'ultraviolence. Mais le succès obtenu chez les jeunes lecteurs s'explique peut-être par l'actualité des thèmes traités: à trois cents ans de distance, ce monde si sombre ressemble au nôtre.

 

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