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Roland et le chêne

Niveau 5e - sujet 2

 

Rosa CHASSARD

Collège Louis Aragon 
CHATENOY-LE-ROYAL

 

Roland et le chêne

 

 

Roland galopait.

Les flancs du cheval en sueur, la lumière aveuglante du soleil dans les yeux, il galopait. Toujours. Il se moquait éperdument de ce qui pouvait lui arriver : seule la promesse qu'il lui avait faite comptait. Le cheval s'arrêta. Un flot de souvenirs montait dans la mémoire de Roland en contemplant l'immense forêt qui se dressait devant lui... II pensait à Elle.

 

"Mes beaux légumes ! Achetez mes légumes !" Les petites gens se bousculaient dans le marché du village. Les troubadours jouaient leurs douces musiques sur la place, l'odeur du pain chaud s'échappait du boulanger... Un jeune homme traversa la foule, poussant tout le monde. Un jeune homme grand, bien bâti, avec des traits plutôt harmonieux. Roland était pressé. II poussait sans frapper la porte de bois de la chaumière du magicien Colbertin. Lyra était là, allongée sur un lit de paille, ses yeux habituellement émeraudes étaient clos. Roland passa sa main dans ses cheveux roux frisés, mouillés de sueur et demanda :

"Alors?"

- "Cela vient de la fée Viviane", dit le magicien. "D'après moi, Viviane propage encore une grande maladie mortelle dans la région. Mais ...

- Comment la guérir ?

- Grâce à la plante magique Azuria Cicophentus, une petite fleur mauve, mais ... - Où se trouve- t' elle?

- Euh...dans la forêt magique de Brocéliande,mais le problè ..."

Roland était déjà parti.

 

Le flot s'était atténué. Roland se ressaisit et repensa à son objectif. Trouver la plante magique. Sauver Lyra Et c'est plein d'énergie, de conviction et d'amour que Roland pénétra dans la mystérieuse forêt de Brocéliande.

II n'y avait aucun bruit. La mousse étouffait le bruit de ses pas, et aucun oiseau ne chantait. C'était calme. Trop calme. Pourtant, l'endroit était paradisiaque :le ruisseau coulait, les arbres feuillus...

Quelque chose attira son regard.

Quelque chose que l'on ne pouvait éviter.

 

C'était un chêne. Le Chêne. Le Chêne de la forêt de Brocéliande, sans doute le plus vieux de tous les arbres qui puissent croître sur terre. II était aussi écrasant par sa grandeur que lui, Roland, l'était par sa beauté. II le toisa pourtant sans aménité :

"Par ma foi, Chêne, que tu es grand! Tu es si majestueux, mais le prévôt ne sortirait pas plus de quelques bons deniers pour te regarder tant que je serai à tes côtés."

- "Et pourquoi donc, jeune homme?" dit le Chêne.

- "Chêne, pour l'amour de Dieu, regarde donc! Je suis beau, rayonnant et désarmant de fraîcheur. Mon visage ne peut être comparé qu'au soleil lui-même. Tu n'es qu'un arbre, Chêne, un simple arbre. Tes seuls mouvements sont tes branches dans le vent.

- Merlin qui réside en cette forêt me protège.

- Bénie soit Viviane qui l'a enfermé ! Que l'Enchanteur me fasse payer un écot pour le crime qui sera fait!"

Et pour peser le poids de ses paroles, il arracha un morceau de son écorce, le jeta dans le cours d'eau et s'éloigna de l'arbre dans un rire tonitruant.

II arriva dans une immense clairière. Une petite fleur mauve se tenait au centre. Une voix grave retentit alors:

"Roland, te voilà donc. Voici la fleur de la guérison pour la jeune Lyra. Sache toutefois que la forêt de Brocéliande est bien plus qu'une forêt enchantée. Une forêt de leçons. Peut-être es-tu déjà passé devant..."

La voix se fondit dans le néant. Roland prit la fleur et s'éloigna sans demander son reste. Lyra fut sauvée.

II ne retrouva le chemin de la forêt que lorsque ses cheveux couleur été prirent celles de l'hiver. Sa beauté et sa jeunesse s'étaient envolées comme les feuilles d'un arbre en automne. Une marguerite que l'on effeuille et ses pétales qui s'envolent dans le vent.

"Par ma foi, dit le Chêne, que tu es beau ! Tu es toujours si rayonnant, mais le prévôt ne sortirait pas plus de quelques bons deniers pour te regarder tant que tu seras à mes côtés."

- "Mais pourquoi donc, Chêne?" dit Roland.

- "Pour l'amour de Dieu, regarde donc ! Je suis grand, immense. J'ai encore plusieurs décennies à vivre. Tu n'es qu'un vieil homme, Roland, un vieil homme. Tes seuls mouvements sont tes mains qui tournent les pages du livre que tu lis au coin de la cheminée."

Et pour peser le poids de ses paroles, ses branches se baissèrent et lui arrachèrent l'œil droit pour le jeter dans le cours d'eau.

- "A présent", reprit le Chêne, "n'oublie pas de payer l'écot de dix deniers comme promis à Merlin."

Roland le fit. Mais il pleura tellement de son oeil perdu que le cours d'eau devint un fleuve qui traverse la forêt de Brocéliande.

II retiendra en revanche une précieuse leçon.

 

II ne faut jamais donner de coups si on ne sait pas les contrer.


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