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Cher grand-père

3e - sujet 1 - 2e prix.

Léa GIRAULT
Collège de La Châtaigneraie 
AUTUN

 

Quelque part en enfer, le 18 novembre 1916.

Cher grand-père.

 

Vas-tu bien depuis ma dernière lettre ?

J'espère que tu auras réussi à la lire malgré les nombreuses traces de boue. Je t'écris du front, où, comme chaque automne, la pluie, le froid et les assauts rythment nos journées. Dans les moments les plus durs, je repense à la douce chaleur qu'il faisait dans notre épicerie, à ma belle Céline qui me manque de plus en plus chaque jour que Dieu fait et bien sûr à ma mère sur qui, j'espère, tu veilles bien depuis la mort de notre courageux père sous les balles allemandes.

Je souhaite de tout cœur aussi être en permission pour mon vingtième anniversaire, peut-être encore un que je passerai ici... Déjà presque deux ans que je suis parti et depuis je ne vous ai revus qu'une seule fois.

Je me souviens de ce jour où mon père s'en est allé à la guerre. Il m'avait dit qu'il serait là pour Noël et qu'il partait pour défendre notre magnifique pays. Peu de temps après son départ au front, j'avais voulu, comme lui, partir volontairement. Malgré les peurs de ma mère, c'est par un matin pluvieux de janvier que je suis parti sans savoir si j'allais un jour revenir. Tous ces souvenirs m'encouragent à me battre pour la France et aussi pour mon père.

Aujourd'hui comme toujours nous avons mangé froid en compagnie des rats.

Mes compagnons et moi avons même donné des noms à ces horribles bêtes : c'est très simple, à chaque fois qu'un rat essaye de nous voler notre «déjeuner», nous lui donnons notre nom. Au bout du compte, il doit bien y avoir une trentaine de rats nommés Jean !

Cette nuit encore, je vais sûrement dormir, là, par terre, avec comme seule berceuse les plaintes perçantes de nos compagnons blessés.

Même quand j'arrive à m'endormir, j'entends toujours le petit sifflement des obus qui descendent du ciel pour jouer avec nous, nous la chair à canon.

Il y a deux jours environ, un régiment entier est mort sauf quelques «survivants». Tous gazés par cette immense vague jaunâtre que tout le monde redoute, cette odeur qui en un instant vous ronge de l'intérieur et vous laisse sur le sol, sans vie...

J'ai souvent peur de la mort, comme tous mes compagnons. Je sais très bien que je peux mourir dans deux jours comme dans deux ans. Ne cache pas cette réalité à tous mes proches et, si ce malheur devait arriver, dis à Céline que je lui rends sa liberté.

Je sais très bien que pour vous aussi, en tant que civils, la vie n'est pas toujours facile... Mais j'ai confiance en toi, tu as toujours su veiller sur nous et je t'en remercie infiniment.

Je te demanderai juste un dernier service : ne te lasse pas de m'écrire, avec tes lettres je peux m'évader pendant quelques instants, je peux oublier cette guerre, ces morts et ces cris...

Moi aussi je continuerai à t'écrire comme je l'ai toujours fait, mais comme je te le dis souvent, cette lettre est peut-être ma dernière.

Je dois te laisser, nous partons à l'attaque dans moins d'une heure apparemment: ils viennent de distribuer l'alcool.

Embrasse tout le monde de ma part.

Au revoir ou adieu, c'est à Lui de décider.

 

Ton petit-fils.

Jean.


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